Applications, plateformes ou encore sites internet spécialisés, le numérique a bel et bien colonisé le secteur de la santé. Disponibles où que l’on soit,24h/24 et 7jours/7, ils rendent les informations médicales facilement et rapidement accessibles à tous. Mais ces informations sont-elles réellement fiables ? Les internautes ont-ils le recul nécessaire pour appréhender « l’Internet médical » ? Le Centre Hospitalier Universitaire de Liège tente de les aiguiller à l’aide d’une toute nouvelle application.
Allo Google ?
Dès le moindre symptôme, la tentation est parfois grande d’aller consulter les moteurs de recherche. Rapidement, l’internaute se confronte à des milliers d’articles, d’avis et de commentaires présents sur bon nombre de sites et de forums « spécialisés ». Il peut ainsi se retrouver noyé sous le flot d’informations récoltées voire même pire, il pourrait développer une forme d’hypocondrie 2.0, aussi appelée « cybercondrie ». D’ailleurs, de nombreuses études l’attestent : 30 à 60% des internautes s’auto-diagnostiquent à l’aide des recherches faites sur le net. Sur son blog, Google affirme même qu’environ un pour cent des recherches effectuées sur son moteur de recherche est lié à des symptômes [1]. Sentant le bon filon, en 2016, le géant d’Internet a dévoilé un nouveau service permettant de répondre aux interrogations des internautes concernant leurs symptômes. Disponible uniquement aux États-Unis, il est capable de fournir des informations relatives aux maladies correspondant aux symptômes décrits et d’informer sur les traitements habituellement prescrits.
Google légitime sa démarche en expliquant vouloir aider les internautes à structurer leurs recherches afin qu’ils sachent quelles questions poser à leur médecin. Cependant, bien que l’entreprise américaine assure collaborer avec des professionnels de santé, exerçant sur le terrain ou au sein d’universités réputées, elle insiste sur le côté « informatif » de sa plateforme et recommande de toujours consulter un médecin. En agissant de la sorte, Google cherche à se dédouaner quant dérives potentielles liées à l’utilisation de ce service.
Actuellement, nous ne disposons pas de cet outil en Europe, mais les belges sont pourtant de plus en plus nombreux à « googleliser » leurs symptômes. Bien que ce phénomène puisse paraître anodin, il impacte pourtant fortement la relation patient-soignant. En effet, de nombreux médecins font état de patients se présentant à eux en assurant déjà connaître leur propre diagnostic, établi à l’aide de recherches faites sur Internet.
Réel danger pour certains et belle opportunité pour d’autres, les avis des professionnels divergent quant à la plus-value de l’accessibilité des informations médicales sur le net. Le CHU de Liège a quant à lui fait le choix de créer une application utile et bien pensée afin d’adresser de manière adéquate le besoin d’information manifesté par les patients, pour éviter autant que faire se peut les autodiagnostics via internet.
Dis-moi Odissée…
Le service des Urgences du CHU de Liège est à l’origine d’« Odissée », une application capable d’orienter les patients en quête de réponses quant à leurs symptômes. Concrètement, Odissée (Outil Décisionnel et Informatif des Structures de Soins Efficientes Existantes) permet aux utilisateurs de communiquer leurs symptômes en sélectionnant des images et en répondant à des questions fermées (par exemple : S’agit-il de fièvre entre 38.5°C et 40°C ? S’agit-il d’une douleur thoracique ?). Ensuite, l’application analyse les réponses transmises par l’utilisateur et lui fournit un conseil personnalisé. Fonctionnant à l’aide d’algorithmes, l’application est scientifiquement validée et donne quatre types de réponse :
- Aide Médicale Urgente : appelez immédiatement le 112 ;
- Mise Au Point Hospitalière : rendez-vous aux urgences ;
- Médecine Générale : appelez sans attendre votre médecin traitant ou le médecin de garde ;
- Visite Différée : fixez un rendez-vous avec votre médecin traitant dans les prochains jours.
Tout comme Google, le CHU de Liège met ses utilisateurs en garde et précise que l’application ne prend ni décision ni rendez-vous médical à leur place et souligne également le fait qu’elle ne fournit pas diagnostic en tant que tel. Odissée est actuellement en phase de validation mais a d’ores et déjà été testée par 500 patients, tous séduits par la fiabilité et la facilité d’utilisation de l’outil. 100% anonyme et sécurisée, la plateforme ne dévoile et ne partage aucunes données fournies par les utilisateurs. Odissée devrait être disponible et accessible à tous les patients gratuitement au printemps 2020.
Enfin, il est intéressant de préciser que, comme le CHU de Liège, nombre d’autres institutions de soins choisissent de recourir à des applications lorsqu’elles estiment que cela répond aux besoins des patients mais aussi des professionnels de santé : à titre d’exemple, on peut citer « MyHap », qui est une plateforme e-santé développée par le Centre Hospitalier Universitaire Ambroise Paré pour permettre aux patients de gérer leurs rendez-vous ou encore d’estimer le temps d’attente aux urgences. De nombreuses initiatives de ce type sont d’ailleurs à (re)découvrir dans cet article.
[1] https://blog.google/products/search/im-feeling-yucky-searching-for-symptoms/