Nos unités de soins intensifs ont connu des avancées remarquables depuis le milieu du 20e siècle grâce, notamment, aux progrès de la médecine intensive qui ont fait chuter le taux de mortalité lors de ces séjours. Pourtant, et ce depuis le début du 21e siècle, les professionnels de la santé ont commencé à constater que les patients qui ont effectué un séjour prolongé dans une unité de soins intensifs pouvaient garder de graves séquelles de leur expérience.
Quels sont les symptômes ?
Ainsi, des patients peuvent ressentir un état persistant de faiblesse musculaire extrême, des problèmes cognitifs comme des troubles de la mémoire, de concentration ou d’exécution des activités de la vie quotidienne. Il n’est pas rare non plus que leur séjour s’accompagne de séquelles psychologiques comme de l’anxiété, un état dépressif ou l’apparition d’un stress post-traumatique. Ces pathologies, parfois graves et invalidantes, seraient provoquées par une immobilisation de longue durée, la ventilation mécanique (les respirateurs utilisés régulièrement en soins intensifs) ou encore l’administration prolongée de sédatifs puissants.
Les conseils du KCE
Le syndrome post-soins intensifs, aussi appelé PICS (Post-intensive Care Syndrome) est officiellement reconnu depuis 2012, mais a réellement été mis en lumière durant la crise de la COVID-19. Le Centre fédéral d’expertise des soins de santé (KCE) y a donc consacré un premier rapport en 2020 [i], afin d’alerter les médecins généralistes et les aider à détecter rapidement les signes de PICS chez leurs patients en leur proposant 6 tests rapides et faciles à réaliser [ii] en cabinet.
Le rapport du KCE propose également des mesures préventives qui suivent 5 grands principes :
- La gestion de la douleur : La douleur, ressentie par la plupart des patients en soins intensifs, même inconscients, est un puissant facteur de risque de développer des symptômes de stress post-traumatique par la suite.
- La durée de la ventilation mécanique : Le KCE conseille de réduire au maximum la durée de ventilation mécanique, et de maintenir une sédation la plus légère possible lors du séjour. L’idéal est donc de réveiller régulièrement le patient et de le sevrer du respirateur (en favorisant donc sa respiration spontanée) et ce, dès que sa capacité respiratoire le permet.
- La prévention du délirium : Le délirium est un état de confusion fréquent chez les patients en soins intensifs. Il se manifeste par une fluctuation du niveau de conscience, une orientation diminuée, des illusions et des hallucinations, et des anomalies du comportement. Pour le prévenir, il est important de mettre en place des mesures pour maintenir le patient en contact avec la réalité : en maintenant les cycles jour-nuit, en améliorant la qualité de son sommeil (réduire les lumières et le bruit la nuit) et en favorisant des interactions régulières avec ses proches;
- La mobilisation du patient : Il est important de mobiliser le patient dès que possible et ainsi, contribuer au maintien de sa force musculaire et de ses capacités fonctionnelles. Le KCE conseille la pratique d’exercices de mobilisation passive (dans le lit), mais aussi d’exercices actifs ou de marche dans le service dès que l’état clinique du patient le permet.
- L’importance du contact avec les proches : Le rapport du KCE pointe le doigt sur le fait qu’il faut faciliter les contacts entre les proches et le patient afin de réduire les risques de PICS. Cela passe par un élargissement des heures de visites et la mise en place de contacts virtuels quand cela n’est pas possible.
Ce qui existe et ce qui doit être mis en place
Quelques hôpitaux belges ont déjà mis en place des unités spéciales dédiées entièrement à la détection et au soin des PICS. C’est le cas de l’hôpital de la Citadelle qui a instauré une consultation de suivi pour les patients ayant séjourné longuement aux soins intensifs. Le projet est né en 2021 pour aboutir, au début de l’année 2022, à la constitution d’une équipe pluridisciplinaire composée de deux médecins, trois infirmières, deux kinésithérapeutes et d’un psychologue.
Le patient est évalué par l’équipe à travers des tests et questionnaires. Une discussion est entreprise afin de connaître son ressenti sur le séjour et d’évaluer son évolution globale depuis sa sortie de l’hôpital.
La Citadelle précise qu’il s’agit ici de « pouvoir détecter un éventuel PICS et proposer au patient un soutien supplémentaire à la sortie ainsi que des pistes de prise en charge au médecin généraliste ». L’hôpital précise : « Il ne s’agit en aucun cas de remplacer les prises en charge déjà proposées dans les centres de revalidation ou par le médecin généraliste, mais plutôt de les compléter au besoin. Un autre objectif est d’améliorer la communication entre les différents intervenants dans le suivi du patient après sa sortie des soins intensifs puis sa sortie de l’hôpital, là où le médecin généraliste occupe un rôle central ».
Vous l’aurez compris, les mesures recommandées par le KCE nécessitent toute l’attention du personnel de soins de l’unité. Idéalement, elles nécessiteraient même un renfort en termes de nombres d’infirmiers et de kinésithérapeutes à disposition du service. De plus, le KCE soulève l’importance d’éléments tels que la qualité du leadership, la communication, la coordination entre les soignants et la stabilité du personnel en place.
[i] KCE, « Prévenir le syndrome post-soins intensifs », https://kce.fgov.be/fr/a-propos-de-nous/communiques-de-presse/prevenir-le-syndrome-post-soins-intensifs
[ii] KCE, « Six outils pour détecter le PICS en médecine générale », https://www.kce.fgov.be/sites/default/files/2021-12/COVID-19_Contributions_%20Outil%20PICS_FR.pdf