Le diabète est une maladie complexe qui nécessite une prise en charge médicale assidue. Depuis plusieurs années, le nombre de cas détecté n’a cessé d’augmenter de par le monde, mais heureusement les traitements ainsi que les pratiques pour traiter cette maladie ont évolué, et assurent un meilleur suivi et un plus grand confort de vie aux malades. À l’occasion de la journée mondiale du diabète, qui a eu lieu ce 14 novembre, Michel Bielen, infirmier responsable du service Convention diabète du Centre hospitalier du Bois de l’Abbaye (CHBA) lève le voile sur les diverses formes de prise en charge de la maladie, et le Dr Oana Dobrescu-Dinca, gynécologue-obstétricienne au Centre hospitalier universitaire Brugmann, donne quelques détails sur un type de diabète très particulier, le diabète gestationnel.
Une maladie insidieuse
Selon une récente étude[1] menée par l’Agence InterMutualiste (AIM), la proportion de la population belge atteinte du diabète a augmenté de 1% entre 2008 et 2017, et est donc passée de 5,1% à 6,1%. Bien que la maladie affecte en grande partie les seniors, c’est-à-dire les 64-75+, toutes les tranches d’âge sont concernées par cette augmentation. Au niveau mondial, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a annoncé, dans un communiqué publié en avril dernier, que « Le nombre de personnes atteintes de diabète est passé de 108 millions en 1980 à 422 millions en 2014 »[2]. Les chiffres sont formels, le diabète progresse et fait de nombreuses victimes chaque année. Il est donc primordial de comprendre la maladie, pour mieux s’en prémunir, la détecter et la traiter si elle s’est déclarée.
Le diabète est une maladie caractérisée par une élévation de taux de glucose dans le sang (la glycémie) qui résulte d'une diminution de la capacité de sécrétion d'insuline par le pancréas associé ou non à une diminution de l'efficacité de cette insuline. On distingue, principalement, trois types de diabète : le diabète de type 1, le diabète de type 2 et le diabète gestationnel. Ces trois affections n’ont pas les mêmes origines. « Le diabète de type 1 est le moins fréquent, il ne concerne que 10% des malades. Il est assimilé à une maladie auto-immune, c’est-à-dire que l’organisme produit des anticorps qui s’attaquent à ses propres cellules. Une fois que le capital des cellules qui produisent l’insuline passe en dessous des 10%, le diabète se déclare très rapidement avec des signes prononcés tels qu’une soif intense, des urines abondantes ainsi qu’un amaigrissement soudain et important. Il y a une composante génétique qui se cache derrière ce type de diabète. Le diabète de type 2, quant à lui, est une maladie qui touche principalement les adultes de plus de 40 ans, mais nous constatons qu’il y a de plus en plus d’enfants, généralement en surpoids, qui développent aussi ce type de diabète. Dans ce cas, il y a un dysfonctionnement des cellules pancréatiques qui produisent moins d’insuline et une résistance à l’insuline. Pour ce diabète, il y a également un facteur d’hérédité à prendre en considération. » explique Michel Bielen.
En général, la maladie s'installe insidieusement, sans entraîner de symptôme. De ce fait, de nombreux malades s’ignorent et laissent, sans le savoir, la maladie progresser au sein de leur organisme. « La moitié des patients atteints de diabète de type 2 se méconnaissent. » Pour cette raison, des campagnes de dépistage sont régulièrement organisées par des villes, des hôpitaux ou autres organismes de santé. Il est également recommandé d’inciter les citoyens à réaliser un bilan sanguin annuel en vue notamment de contrôler leur taux glycémique, et ce surtout s’il y a des cas de diabète dans leur famille. « C’est souvent au détour d’une banale prise de sang que l’on détecte la maladie. », souligne Michel Bielen. Cependant, d’autres bilans de santé peuvent également s’avérer utiles à révéler le diabète. « Le diabète peut également être détecté lors d’un rendez-vous chez l’ophtalmologue. Lors d’un examen appelé le fond d’œil, le médecin voit le réseau vasculaire du fond de l’œil et il peut y détecter des perturbations faisant penser au diabète. Il peut alors conseiller au patient de réaliser une prise de sang complémentaire en vue de poser un diagnostic. Par ailleurs, des analyses d’urine réalisées lors d’un passage à la médecine du travail par exemple peuvent également permettre d’évaluer le taux de glucose présent dans l’organisme de la personne et peut-être révéler la maladie. », complète Michel Bielen.
Un diabète transitoire
Comme brièvement évoqué, il existe un troisième type de diabète dénommé le diabète gestationnel, ou diabète de grossesse. Il concerne 2 à 6% des grossesses en Europe et jusqu’à 10% de celles-ci aux États-Unis. Détecté au cours du suivi obstétrical, il s’agit soit d’un diabète préexistant et méconnu, soit d’un diabète s’étant développé du fait de la grossesse et qui disparait après l’accouchement. « Pendant la grossesse, on assiste naturellement à une diminution de la sensibilité à l’insuline, ce qui implique l’augmentation de la sécrétion de cette hormone en vue de maintenir, à un niveau normal, le niveau de glucose dans le sang. Lorsque la production d’insuline n’augmente pas convenablement et donc que la glycémie reste au-dessus des normes, on parle d’un diabète gestationnel. », explique le Dr Dobrescu-Dinca.
Bien qu’il ne puisse être que passager dans certains cas, il doit tout de même être dépisté et être traité à temps pour éviter les répercussions sur la santé du bébé ainsi que sur celle de la maman. « Il est d’abord essentiel de rappeler que le diabète gestationnel ne donne pas de malformations au foetus. Cependant, il y a tout de même de nombreux risques immédiats et/ou tardifs qui peuvent survenir aussi bien pour la mère que pour l’enfant. Par exemple, il y a un risque de prématurité, de macrosomie avec un bébé qui lorsqu’il pèse 4kg et plus va de fait impliquer un accouchement difficile avec de potentielles lésions infligées à l’enfant, mais il y a aussi un risque de désordres métaboliques et de détresse respiratoire à la naissance voire de décès fœtal intra-utérin. » alerte le Dr Dobrescu-Dinca. La maman encourt également des problèmes de santé tels que le développement de l’hypertension de grossesse, entre autres. Par ailleurs, avec un taux qui peut atteindre les 70%, le risque de récidive du diabète gestationnel pour une autre grossesse est relativement élevé. Enfin, tout comme le bébé, la maman risque de développer un diabète de type 2 au cours des cinq à dix années suivant la grossesse.
Au regard de cette problématique majeure, le CHU Brugmann a développé un suivi multidisciplinaire spécifique au sein de son service des grossesses à haut risque. Les patientes sont suivies par l’un des trois diabétologues du service, le Dr Dobrescu en ses qualités de gynécologue, une infirmière « convention diabète » et une diététicienne. « Tout d’abord nous assurons une éducation à la patiente où nous lui expliquons l’ensemble des complications obstétricales et néonatales qui peuvent survenir à court et à long terme, nous détaillons la prise en charge qui lui sera assurée et lui donnons quelques conseils diététiques et d’hygiène de vie destinés à maîtriser sa maladie. » S’en suit alors une prise en charge médicale accrue où la patiente débute son parcours avec une surveillance glycémique capillaire à réalisér quatre fois par jour pendant 15 jours. En fonction des résultats, la patiente aura le droit, si son diabète est bien équilibré sous régime, à un suivi de grossesse normal, mais devra tout de même poursuivre une auto-surveillance quatre fois par jour, deux jours par semaine. Par contre, si le diabète de la patiente est dit « déséquilibré », c’est un suivi particulier qui est alors prescrit. « Comme évoqué plus tôt, le fœtus encourt de nombreux problèmes de santé lorsque la maman est atteinte d’un diabète qui n’est pas équilibré. En plus de tous les examens réguliers comme les échographies et les monitorings, nous prévoyons un accouchement via déclenchement ou césarienne, vers les 39 semaines d’aménorrhée de grossesse. Une césarienne est d’ailleurs systématiquement prévue si l’estimation de poids fœtal est supérieure à 4500g. », résume le Dr Dobrescu-Dinca.
Tous concernés, tous impliqués
Un diabète mal soigné peut mener à de graves problèmes de santé. En effet, le déséquilibre glycémique endommage les cellules du corps et impacte très négativement une série d’organes. Ainsi, des complications rénales, artérielles et cardiaques, ou encore nerveuses et dentaires, entre autres, peuvent rapidement survenir. Selon des estimations rapportées par l’OMS, le diabète a, d’ailleurs, provoqué 1,5 million de décès en 2019. Au vu des nombreux éléments fournis, il est désormais évident que le diabète est une maladie beaucoup moins anodine qu’elle n’y parait. Une prise en charge ciblée est donc impérative.
En Belgique, l’offre de soins destinée aux patients diabétiques est assez étendue. Selon le cas et le type de diabète à traiter, diverses formes de prises en charge peuvent être proposées dont : le pré-trajet de soin, demandé par le médecin généraliste pour tout patient diabétique de type 2, le trajet de soins qui s’adresse également aux patients diabétiques de type 2 traités par injection, reposant sur une collaboration entre le patient, le médecin généraliste et le médecin spécialiste, le Programme restreint d’éducation & autogestion (PREA) initié par le médecin généraliste qui accompagne seul les patients atteints d’un diabète de type 2 traité par injection et enfin la Convention diabète, ouverte à tous les patients diabétiques, traités par au moins trois injections d’insuline par jour.
Le Centre hospitalier du Bois de l’Abbaye propose deux formes de prise en charge aux patients diabétiques. L’une reposant sur le trajet de soins et l’autre sur la Convention diabète. Michel Bielen nous explique comment cela fonctionne. « Le trajet de soins est généralement attribué à la première ligne, c’est-à-dire, les médecins généralistes, les infirmières à domicile et les pharmaciens, néanmoins, si le médecin traitant le souhaite, parce qu’il n’y a pas d’infirmière de première ligne et/ou que c’est un cas aigu, nous pouvons nous occuper du trajet de soins, à la place de cette première ligne. ».
Hormis ce cas de figure particulier, 600 patients diabétiques de type 1 ou de type 2 suivis au CHBA le sont via la Convention diabète « La Convention diabète implique le remboursement total du matériel de contrôle et de mesure de la glycémie par la mutuelle, la mise en place d’une structure éducative tant infirmière que diététique ainsi qu’un suivi médical. Elle est ouverte aux diabétiques de type 1 ainsi qu’aux patients diabétiques de type 2, souffrant d’une affection médicale grave et traités par deux injections d’insuline par jour ainsi que ceux traités par trois injections d’insuline par jour. » Cette option de soins se veut être un programme de soins multidisciplinaire, impliquant tous les professionnels de santé concernés par la maladie « Au sein de ce service dirigé par le Dr Guiot, nous avons des endocrinologues, des infirmiè.r.es d’éducation qui disposent d’une formation spécialisante en diabétologie et des diététiciennes. » Par ailleurs, d’autres intervenants peuvent, selon le cas, également coopérer et les patients peuvent, en fonction de leurs besoins, consulter d’autres spécialistes tels qu’un psychologue, un tabacologue, un podologue ou encore un.e assistant.e social.e.
Au-delà de la prise en charge médicalisée interdisciplinaire, ce programme a le bénéfice d’assurer une structure et un environnement sécurisant et sécurisé aux patients « Nous sommes un peu les rails des patients et nous leur évitons de sortir de la route. Par exemple, tous les quatre mois, lorsqu’ils viennent rechercher leur matériel, nous, infirmiè.re.s et diétécien.nes, décodons avec eux les résultats fournis par leurs appareils et nous évaluons l’équilibre du diabète. Lorsque les résultats montrent qu’il s’est écarté de la cible fixée, nous essayons de trouver la raison en prenant bien évidemment en considération, le contexte psychologique et social du patient. Via ce suivi et tout ce que nous avons mis en place, nous essayons un maximum de rappeler aux patients, les règles de base à respecter pour qu’il puisse maîtriser, au mieux, leur maladie. » De plus, la Convention diabète a également l’avantage d’impliquer au maximum le patient dans sa prise en charge et ainsi de le rendre acteur de ses soins. « La Convention diabète est un contrat d’auto-gestion, cela veut dire que les patients sont un peu leur propre médecin. De notre côté nous essayons de les éduquer à ce qu’ils puissent comprendre leur maladie et donc réfléchir aux meilleures pratiques à adopter au quotidien pour se traiter. »
Cela dit, même si le diabète se traite de plus en plus en ambulatoire, il arrive qu’une hospitalisation soit tout de même nécessaire. « Lorsque l’état du patient, dû à son diabète, est complètement déséquilibré ou lorsque le diabète du patient vient d’être diagnostiqué, après un passage aux Urgences par exemple, nous le plaçons en hospitalisation. D’ailleurs, il a été démontré que le nombre de patients, se sachant ou non diabétiques et se rendant aux Urgences, tant pour un diagnostic primaire que pour un diagnostic secondaire, représente 11% de la population totale du service. » Une fois l’hospitalisation terminée, des consultations post-hospitalisation, assurées par Michel Bielen, sont alors proposées aux patients qui le souhaitent. « Étant donné que la routine quotidienne change radicalement lorsque les patients rentrent chez eux après une hospitalisation, il est important de pouvoir vérifier avec eux que tout se passe correctement avec le traitement instauré, une fois qu’ils sont rentrés à la maison. Le traitement peut donc être revu et adapté par le médecin diabétologue si cela s’avère nécessaire. Par ailleurs, il se peut aussi que nous soignons des plaies durant ces consultations. » Enfin, des consultations hebdomadaires et ouvertes à tous permettent aux patients de venir faire part de leurs questionnements et de leurs inquiétudes « Tous les mardis, des infirmiè.r.es et les diététicien.nes, accueillent les patients qui se posent des questions sur leur diabète ainsi que sur leur traitement. »
Des avancées prometteuses
La recherche médicale contre le diabète progresse. En 1922, la première injection d’insuline fut administrée à un humain. Actuellement, les patients traités par insuline doivent, souvent plusieurs fois par jour, recourir à des injections sous-cutanées. Cependant, il existe également des pompes à infusion sous-cutanée qui deviennent de plus en plus performantes intégrant des systèmes de mesure de glycémie en continu. Par ailleurs, certains chercheurs tentent de mettre au point d'autres voies d'administration d'insuline, notamment orale.
Concernant les traitements destinés aux diabétiques de type 2, Michel Bielen tient à rappeler que d’autres nouveautés majeures sont également récemment apparues. « Le panel de traitements s’est considérablement élargi au cours des dernières années. Par exemple, de nouvelles molécules permettent à certains patients d’éviter le recours à l'insuline. Il existe, en effet, des médicaments qui permettent l’élimination du sucre par les urines. D'autres médicaments, quant à eux, agissent en utilisant l'effet incrétine d'hormones intestinales qui stimule la sécrétion d'insuline quand cela est nécessaire. En plus de leur effet hypoglycémiant, ces nouvelles molécules procurent une protection cardio-rénale très intéressante. »
Bien que les progrès médicaux offrent une note d’espoir et permettent aux malades d’avoir une vie plus ou moins normale il est, malgré tout, essentiel de rappeler l’importance d’avoir, dès le plus jeune âge, une hygiène de vie correcte mêlant, entre autres, activité physique et alimentation saine afin de limiter les risques de développement d’un diabète de type 2, qui reste une maladie chronique pouvant mener à de graves complications de santé.
[1] Agence InterMutualiste. De plus en plus de Belges souffrent du diabète. 18/06/2020. https://aim-ima.be/Communique-de-presse-De-plus-en.
[2] Organisation mondiale de la Santé. Diabète. 13 avril 2021. https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/diabetes