Jusqu’alors, l’institution de soins disposait d’un département mère-enfant qui comprenait une maternité ainsi que des salles d’accouchement, et qui prenait en charge les nouvelles mères et leurs bébés, qu’ils soient nés à terme ou non. Une seule médecin du service, le Dr Melika, était jusqu’ici chargée de pratiquer environ 300 avortements par an : “J'assure depuis plus de 15 ans ce service pour quelque 300 femmes par an. Ces dernières années, les retours des patientes m'ont fait prendre conscience que leurs besoins et attentes évoluaient, et nécessitaient une équipe pluridisciplinaire dédiée. J'ai donc pris l'initiative d'engager une réflexion pour une réforme en profondeur ", a-t-elle expliqué au Journal du Médecin.
Une équipe pluridisciplinaire
Depuis quelques semaines maintenant, c’est donc une équipe complète et pluridisciplinaire qui prend en charge et suit ces femmes dans leur processus d’interruption de grossesse.
Tout d’abord, la patiente est accueillie avec bienveillance et sans jugement par une assistante en psychologie à qui elle pourra exprimer sa demande lors d’un entretien. L’objectif est que la patiente se sente soutenue dans ses choix et puisse déposer ses craintes. Une relation de confiance, importante pour la suite du parcours, s’installe entre la patiente et le corps médical.
Son trajet continue avec un rendez-vous avec un médecin qui va réaliser une échographie et dater la grossesse. Lui seront alors proposées et expliquées les deux méthodes qui s’offrent à elle pour avorter?:
- La méthode médicamenteuse, qui peut être réalisée jusqu'à 7 semaines de grossesse (9 semaines d'aménorrhée - autrement dit, d’absence de règles). Elle se déroule en deux étapes. La patiente prend différents comprimés : d'abord pour stopper le développement de la grossesse et dans un second temps, pour provoquer l’expulsion de l’embryon.
- La méthode chirurgicale, qui se déroule quand la grossesse est plus avancée (6 à 12 semaines de grossesse, jusqu'à 14 semaines d'aménorrhée). Elle est pratiquée sous anesthésie locale ou générale, au sein du bloc opératoire d’un hôpital et consiste à aspirer, avec une sonde, l’endomètre, c’est-à-dire la partie interne de l’utérus où s’est niché l’ovule fécondé.
Un tout nouveau local a également été créé afin de prendre en charge les femmes qui souhaitent procéder à une IVG médicamenteuse sur place. Si la patiente préfère le faire chez elle, en dehors du cadre hospitalier, elle recevra un appel d’une infirmière membre de l’équipe afin de s’assurer que tout se déroule bien. Cette personne restera joignable à tout moment de la journée. Une permanence médicale leur est également dédiée.
À tout moment de son parcours, la patiente peut prendre rendez-vous ou prendre contact avec l’assistante en psychologie par téléphone.
Pour le CHRSM, soutenir le droit à l'avortement, et par là, les droits des femmes, est capital. "On sait que les plannings familiaux, qui proposent également ce service depuis bien plus longtemps que nous, font face à une charge de travail importante. Il est de notre devoir en tant que service hospitalier public de soutenir les droits des femmes", précise le Dr Goenen, gynécologue en chef du site Sambre.
Rappel : ce que dit la loi belge
En Belgique, c’est la loi du 15 octobre 2018 qui encadre l’interruption volontaire de grossesse. Autrement dit, l’IVG sort du Code pénal et est autorisée si elle est pratiquée sous certaines conditions cumulatives définies par la loi. Il s’agit donc d’une dépénalisation partielle. Voici les conditions :
- Sauf en cas de problème médical grave chez la mère ou l’embryon, l’IVG doit être pratiquée avant la fin de la 12ème semaine de conception (14 semaines d’aménorrhée) ;
- Un délai de six jours de réflexion doit être respecté entre la première consultation prévue et le jour de l’IVG. Ce délai ne peut être raccourci sauf s’il existe une raison médicale urgente pour la femme d’avancer l’interruption de grossesse.
- L'IVG a lieu à l'hôpital ou dans un centre de planning familial.
Les avancées politiques
Pour de nombreux professionnels et associations défendant la liberté des femmes à disposer de leur corps, la loi belge de 2018 n’est pas suffisante car elle maintient des sanctions pénales à l’égard des femmes et des médecins en cas de non-respect des conditions dans lesquelles l’avortement doit être pratiqué et parce qu’elle n’améliore que très peu les conditions d’accès à l’IVG.
Une proposition de loi pour dépénaliser totalement l'IVG et allonger le délai de 12 à 18 semaines a donc été déposée en 2020. Elle a été signée par la plupart des partis, à l'exception du CD&V, de la N-VA, du Vlaams Belang et des Engagés (alors CDH). Chaque année, on estime à environ 500 le nombre de femmes redirigées vers les Pays-Bas ou l’Angleterre car elles ont dépassé le délai légal des 12 semaines de conception prévues par la loi actuelle (1).
La proposition de loi propose également de diminuer le délai de réflexion entre la première consultation et l’IVG de 6 jours à 48 heures.
En 2020, le Conseil d’État a publié son avis sur la proposition de loi. Il n’a pas émis d’objection majeure, mais a estimé que les poursuites à l’encontre de quiconque tenterait d’empêcher une femme d’avorter devaient être formulées plus précisément.
Depuis, cette proposition de loi n'a jamais été soumise au vote en plénière, les opposants (CD&V, Les Engagés-CDH, N-VA et Vlaams Belang) renvoyant systématiquement le texte au Conseil d'État. En 2020, les discussions ont été suspendues lors de la formation de la coalition Vivaldi.
A la demande du CD&V, il a été convenu dans l'accord de gouvernement de procéder à une évaluation de la législation par des experts : le comité scientifique estime que le délai peut être étendu à au moins 18 semaines et que le délai de réflexion de 6 jours peut être totalement supprimé. Le CD&V a marqué son accord sur une prolongation à 14 semaines, mais la majorité cherche toujours un consensus.
Et en France ?
La France est devenue le 4 mars dernier le premier pays au monde à inscrire explicitement dans sa Constitution l’interruption volontaire de grossesse (IVG), après une approbation très large du Parlement. La phrase « La loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse » a ainsi été introduite à l’article 34 de sa Constitution.
Le texte tel que proposé par le gouvernement a pour but de protéger la loi Veil de 1975. En effet, sans cette révision constitutionnelle, une majorité au Parlement aurait pu contraindre drastiquement cette liberté, voire l’abolir.
Santhea soutient la transposition des valeurs de l’Etat laïque (citons entre autres la liberté, l’égalité et la neutralité philosophique) à ses institutions de soins du secteur public.
Notre fédération prône donc la liberté de choix concernant le droit à l'avortement et estime qu’aucune restriction de l’accès à l’IVG, dans le cadre du respect de la législation belge, ne doit être admise (2).
(1) : Conseil des femmes francophones de Belgique, https://www.cffb.be/sur-le-dos-et-le-ventre-des-femmes-le-droit-a-lavortement-au-coeur-dun-chantage-politique-honteux/
(2) : Les valeurs de santhea, https://www.santhea.be/fr/nos-services#:~:text=Nos%20valeurs,et%20%C3%A9thique%2C%20de%20valeurs%20la%C3%AFques.