Plus fragiles que n’importe quel autre nouveau-né, les bébés prématurés nécessitent une prise en charge particulière et adaptée à leurs besoins. Au-delà des soins dispensés par les équipes soignantes ainsi que de l’amour et du réconfort apportés par leurs parents, ces bébés manquent parfois d’un élément essentiel à leur croissance et à leur bon développement : le lait maternel. Pour répondre à cette problématique, certains hôpitaux disposent d’un lactarium. Catheline Kessen, diététicienne, nous ouvre les porte de l’unité dédiée à la récolte et au traitement du lait maternel du Centre Hospitalier régional de la Citadelle (CHR de la Citadelle).
Naturel et vital
En Belgique, on dénombre quatre banques de lait officielles dont celle de l’hôpital Erasme, celle de l’Hôpital universitaire des Enfants Reine Fabiola ainsi que celle du CHR de la Citadelle. Le travail de ces unités est méconnu et pourtant essentiel à la survie des nourrissons. Le lactarium du CHR de la Citadelle exerce deux activités principales dont le traitement du lait d’une maman pour son propre bébé. « En fonction de l’âge gestationnel du bébé, nous allons soit pouvoir directement lui donner le lait tel quel, soit d’abord procéder à une analyse bactériologique pour être sûr que le lait que la maman a tiré à domicile est sain et transporté dans des bonnes conditions de conservation. En fonction des résultats de l’analyse, si le lait n’a pas été contaminé nous pouvons le donner au bébé. En revanche s’il y a des bactéries pathogènes, nous le pasteurisons. Mais s’il y en a de trop, nous ne l’utilisons pas et en informons la maman afin d’en déterminer la cause avec elle. De plus, sur base de prescriptions médicales, nous enrichissons également le lait de certaines mamans car certains prématurés nécessitent plus d’énergie pour se développer et donc plus de calories dans leur alimentation. »
La gestion du lait des mamans pour leur propre bébé est une activité courante qui se réalise également dans d’autres établissements hospitaliers. Cependant, le CHR de la Citadelle disposant d’une véritable banque de lait, il peut recevoir et traiter des dons de lait maternel pour les bébés dont les mamans éprouvent quelques difficultés à allaiter ou pour celles qui ne désirent pas le faire. « Il arrive que juste après l’accouchement, la maman n’ait pas la quantité de lait suffisante pour son bébé et il reçoit alors du lait du lactarium. Par ailleurs, certaines mamans ne sont pas en mesure d’allaiter leur bébé suite à différentes contre-indications médicales. Cela dit, il arrive également que certaines ne veulent tout simplement pas allaiter. Les bébés de toutes ces mamans nés chez nous reçoivent du lait de notre lactarium jusqu’à leur 32e semaine. »
La solidarité des mamans
Le lait maternel contient des éléments protecteurs indispensables à la maturation des organes d’un bébé prématuré. C’est pour cela que même si sa maman ne l’allaite pas, il est important qu’il puisse tout de même accéder à ce précieux breuvage, et ce notamment grâce aux dons de généreuses mamans allaitantes. Il faut cependant noter que tous les laits maternels offerts au lactarium ne sont pas identiques. « Idéalement, nous aimerions travailler uniquement avec les mamans dont les bébés sont passés en néonatologie chez nous car ce sont des mamans que nous connaissons, mais surtout elles donnent un lait tiré lorsque le bébé était tout petit. Il est donc très adapté à nos nourrissons. Malheureusement, cette ressource n’est pas suffisante, nous avons donc beaucoup de mamans venant de l’extérieur qui nous apportent du lait. ». Tous les laits récupérés subissent néanmoins les mêmes vérifications. « Tous les laits issus de dons sont systématiquement analysés bactériologiquement afin de nous assurer de ne pas prendre de risque au niveau des bactéries et ils sont également systématiquement pasteurisés, c’est-à-dire chauffés à 62,5°C durant 30 minutes puis refroidit très rapidement, ce qui permet de détruire les bactéries mais aussi les virus éventuels tel que le HIV par exemple. »
Afin de ne prendre aucun risque pour la santé des prématurés, les mamans qui font un don de lait sont logiquement soumises à un questionnaire détaillant leur état de santé. « Comme c’est le cas pour les dons de sang, nous leur soumettons un questionnaire afin de leur poser quelques questions sur une éventuelle prise de médicaments, l’usage de tabac, les voyages réalisés, la présence de tatouages, etc. De plus, nous demandons également une sérologie qui date de moins d’un an et qui a généralement été faite en début de grossesse. »
Régulièrement sujet à de grandes pénuries de lait maternel il y a encore quelques années, la situation s’est visiblement grandement améliorée et le lactarium croule depuis quelques mois sous les nombreux dons. « A l’époque, nous devions, au moins une fois par an, solliciter les médias pour relayer notre appel aux dons de lait maternel car nous étions en pénurie. Depuis trois ans, nous n’avons plus rien du faire car nous débordons de lait. Je pense que cela est dû aux réseaux sociaux où des groupes de mamans allaitantes continuent à faire passer l’information. Cela nous aide beaucoup. Par ailleurs, certaines mamans dont les enfants sont en néonatologie chez nous tirent beaucoup de lait et nous en laissent pas mal. Nous avons déjà eu des mamans qui nous ont fait des dons d’une centaine de litres de lait chacune. »
Aussi étonnant que cela puisse paraître, la COVID-19 a eu un impact sur l’activité du lactarium du CHR de la Citadelle mais pour une raison qui n’a rien avoir avec le virus en tant que tel. En effet, comme l’explique la RTBF, la pandémie a eu un effet inattendu sur les naissances prématurées et plusieurs maternités du pays ont posé le même constat : au cours des derniers mois les naissances de bébés nés grands prématurés ont spectaculairement chuté. L’immobilité des mamans au cours du premier confinement serait à l’origine de ce phénomène surprenant, qui semble d’ailleurs se vérifier dans d’autres pays européens, comme le relate le journal Le Monde. « Nous avons effectivement ressenti cet effet et la demande de lait maternel était clairement moins importante. Cependant, nous avions des coups de téléphone quotidiens de la part de mamans qui voulaient faire des dons. C’était assez paradoxal. »