Selon une étude de l’OMS, les personnes en situation de handicap courent trois fois plus de risques de se voir refuser des soins de santé et quatre fois plus de risques d’être traitées de façon inadéquate.
Chez nous ?
Il n’existe pas, en Belgique, de trajectoire de soins de santé spécifique pour les personnes en situation de handicap intellectuel. Selon le KCE, le système manque donc d’équité car les besoins spécifiques de ces personnes nécessitent des réponses spécifiques, qui ne sont pas proposées.
Le KCE soulève plusieurs obstacles à un accès équitable aux soins de santé :
- La stigmatisation et les préjugés sur les personnes en situation de handicap intellectuel induisent une attitude globalement négative à leur égard. Ces discriminations, qui peuvent être inconscientes, ont souvent pour origine une méconnaissance du handicap intellectuel.
- Certaines réactions et attitudes des personnes handicapées empêchent parfois leur propre accès aux soins. Certaines peuvent refuser d’être touchées ou surréagir émotionnellement face aux professionnels de la santé.
- Les personnes en situation de handicap et leur entourage ne savent parfois pas à qui et comment communiquer les symptômes ou besoins aux professionnels de la santé. Ceux-ci ne sont pas formés à reconnaître les signes cliniques propres aux personnes en situation de handicap intellectuel.
- L’utilisation d’un langage compliqué ou technique par le personnel est également un frein à l’accès aux soins de santé.
- Le manque d’aménagement raisonnables pour rassurer ces personnes : des consultations plus longues sont nécessaires pour accueillir et écouter la personne.
Comment changer cela ?
Lors de son étude, le KCE a recueilli les suggestions des personnes en situation de handicap intellectuel et de leur entourage professionnel et informer afin d’améliorer leur accès au système de soins de santé.
En est ressortie une liste de 8 recommandations :
- Encourager les personnes en situation de handicap intellectuel et leur entourage : elles doivent être soutenues et renforcées dans leur capacité à prendre en charge leur propre santé, notamment en améliorant leur accès à des informations claires, fiables et centralisées et en leur fournissant des outils et ressources adaptés à leur niveau de compréhension pour s'approprier ces informations. Les proches des personnes en situation de handicap intellectuel doivent être en mesure de détecter des symptômes que manifeste la personne en situation de handicap intellectuel et de l'aider à exprimer ses plaintes.
- Coordonner et intégrer les informations et les soins de santé en 1re ligne : Chaque personne en situation de handicap intellectuel devrait avoir un médecin généraliste attitré. Ce médecin généraliste devrait gérer son dossier médical global (DMG), son suivi préventif et un outil de liaison. Il devrait également organiser une fois par an une concertation multidisciplinaire autour de la personne.
- Veiller à l’accessibilité géographique des soins de santé et faciliter les déplacements : Les personnes en situation de handicap intellectuel doivent pouvoir être prises en charge dans leur lieu de résidence habituel lorsque cela est pertinent et approprié. Lorsqu’elles doivent être transportées – en urgence ou non –, elles doivent pouvoir être accompagnées d'un membre de leur entourage de leur choix.
- Faciliter la disponibilité des professionnels de santé lors des consultations et visites : Toutes les personnes ayant des besoins particuliers devraient bénéficier de conditions spécifiques à prévoir dans la nomenclature de l’INAMI, afin de pouvoir bénéficier de consultations de plus longue durée. Par « personnes ayant des besoins particuliers », il faut entendre celles dont la compréhension et l'expression sont limitées parce qu'elles ont des handicaps intellectuels, cognitifs ou sensoriels.
- Rendre le milieu hospitalier plus accueillant et plus efficace : Tous les hôpitaux et autres services de santé doivent être en mesure de fournir aux personnes en situation de handicap intellectuel un environnement physique et humain adapté, c’est-à-dire un environnement qui permet à ces personnes d'être accompagnées à tout moment et en tout lieu par la personne de leur choix, à condition que cet accompagnement respecte les souhaits et l'intimité de la personne et qu'il soit sans danger pour l’accompagnant. Les autorités compétentes doivent organiser des centres de coordination et de concertation multidisciplinaires pour les personnes en situation de handicap intellectuel, quel que soit leur âge.
- Renforcer les compétences des équipes socio-éducatives dans le secteur du handicap : Le personnel socio-éducatif du secteur du handicap devrait avoir la possibilité d'être mieux informé et formé sur la santé et les soins de santé des personnes en situation de handicap intellectuel. Il devrait également avoir la possibilité d'être mieux formé à l'utilisation d'outils permettant d'identifier correctement les symptômes exprimés par ces personnes, et notamment la douleur.
- Renforcer les compétences des professionnels de la santé en dehors du secteur du handicap : Les professionnels de santé devraient être mieux formés et préparés à l’accompagnement des personnes en situation de handicap intellectuel et de leurs proches.
- Mettre en place un monitoring et un suivi des besoins en santé spécifiques : Il est nécessaire de développer la collecte de données et de statistiques sur la santé des personnes en situation de handicap intellectuel afin de mieux identifier leurs besoins et de mieux surveiller leur état de santé. La première étape consiste à développer un système d'identification de ces personnes dans les bases de données.
Le KCE conclut son étude en précisant que si certaines des mesures évoquées nécessitent des changements majeurs au sein du système de santé, ces changements sont similaires à ceux qui reviennent régulièrement dans les études réalisées par le Centre fédéral d’expertise des soins de santé : remédier à la pénurie de professionnels de la santé, réformer le système de rémunération à l’acte pour les situations complexes et prévoir davantage de soutien pour les proches des patients.
Source : Ricour Céline, Desomer Anja, Dauvrin Marie, Devos Carl. Comment améliorer l’accès aux soins de santé des personnes en situation de handicap intellectuel ?. Health Services Research (HSR). Bruxelles. Centre Fédéral d'Expertise des Soins de Santé (KCE). 2022. KCE Reports 361BS. D/2017/10.273/62.