Ce changement de pratique vient d’être instauré par le Chwapi. L’objectif est avant tout de protéger les patients. En effet, selon Armèle Biloa, pharmacienne responsable du matériel et des implants au bloc opératoire, l’allergie au latex toucherait environ 6% de la population. Cette démarche vise aussi à protéger les soignants qui, confrontés quotidiennement avec la matière, font partie d’un groupe à risque et sont plus susceptibles de développer ce type d’allergie au cours de leur carrière. “Le risque d’allergie augmente significativement : jusque 17% (1) au sein du personnel soignant et autres métiers quotidiennement exposés comme les coiffeurs, les laborantins et les agents d’entretien”, précise la pharmacienne.
Comment se manifeste l’allergie au latex
La réaction au latex est déclenchée par contact direct avec la peau ou les muqueuses du patient. Elle peut se manifester chez certains par une simple irritation de la peau et chez d’autres par un choc anaphylactique, forme la plus sévère et redoutée des réactions.
Il est important de bien distinguer les trois réactions rencontrées avec les gants en latex, nous explique Armèle Biloa. “Nous avons la dermite de contact irritative, causée par la poudre contenue dans certains de ces gants. Elle apparaît quelques minutes voire quelques heures après l’utilisation. Il y a aussi la dermite de contact allergique, causée par les agents additifs utilisés lors de la fabrication des articles en latex. Le plus célèbre de ces composants responsables de l'allergie est l’agent accélérateur de vulcanisation dont le rôle est de rendre le latex plus élastique qu’il ne l’est naturellement. La dermite de contact retardée apparaît 6 à 72 heures après exposition et représente 80% (2) des allergies au latex. Enfin, il existe aussi l’allergie de type I, dite encore allergie immédiate, causée cette fois par les protéines végétales propres au latex. Elle se manifeste quelques minutes après l’exposition à la suite d’une cascade immunologique. Elle peut aller d’une forme légère de choc anaphylactique, caractérisée par des troubles cutanéomuqueuses (grade I), modérée avec des atteintes multiviscérales (grade II et III) à sévère, arrêt circulatoire et/ou respiratoire (grade IV) et donc décès”.
Les responsables du projet. Gwenaëlle Brui, pneumologue et allergologue ; Philippe Malvaux, coordinateur médical du bloc opératoire et Armène Biloa, pharmacienne responsable du matériel et des implants au bloc opératoire.
Les alternatives choisies par le Chwapi
En supprimant le latex de ses salles d’opération, le Chwapi décide donc de protéger au maximum à la fois ses patients et son personnel. “Pour les soignants, il s’agit de leur garantir la sécurité au travail, une politique prônée quotidiennement par l’hôpital. Pour le patient, incontestablement, il s’agit d’éviter de graves conséquences pouvant engager leur pronostic vital. D’après les chiffres : le choc anaphylactique survient dans 1 cas sur 10000 patients et le décès dans 1 cas sur 100000.” détaille Armèle Biloa.
Pour remplacer le latex, l’alternative trouvée par l’hôpital tournaisien a été de favoriser l’usage de gants en néoprène : un matériau presque similaire en termes d’avantages que le latex. Il offrirait même une sensibilité digitale plus prononcée. “Les gants en néoprène sont 30% moins épais que des gants classiques, c’est pourquoi ils souffrent de certains préjugés sur leur protection optimale, leur facilité d’enfilage et leur solidité. Pourtant, ils offrent une meilleure sensibilité tactile et dextérité. Les disciplines comme l’ophtalmologie, la vasculaire et la microchirurgie s’y accommodent très bien. En revanche, pour l’orthopédie, où les gestes sont à haut risque, nous avons opté pour un autre matériau non-latex : le polyisoprène (PI).”
Au sein du Chwapi, le changement a été précédé d’une période de test qui a permis aux utilisateurs de fournir leurs appréciations et ainsi convenir ensemble, en fonction des disciplines, de la transition du latex vers le néoprène ou le polyisoprène.
Une interdiction d’utilisation qui se généralise à tout l’hôpital
Le Chwapi a pour objectif d’étendre cette interdiction d’utilisation à tout l’hôpital. “Nous souhaitons devenir un hôpital ‘Latex Free’, et pas seulement dans nos blocs opératoires”.
Ce changement se fait progressivement. Cette année, les sondes urinaires ont été remplacées par des sondes en silicones ou polyuréthane. Les attelles et les bandages sont les prochains à faire l’objet d’un changement. Suivront ensuite les tubulures, drains et raccords. Les articles pour lesquels il n’y a pas d’alternatives sans latex sont identifiés comme tels pour prévenir l’utilisateur. Les ficus qui décorent les halls de l’hôpital et qui sont responsables d’allergies croisées seront eux aussi remplacés. “Nous finaliserons ce projet par la formation et la sensibilisation plus poussées du personnel soignant, afin qu’il soit mieux informé sur le sujet et ainsi, qu’il puisse contribuer plus efficacement à prévenir, identifier, répertorier dans le dossier patient l’allergie au latex et surtout, relayer aux patients souffrant de cette allergie des informations utiles pour leur prise en charge”, conclut la pharmacienne.
(1) : Cédric, A., D., Lapointe, A., Bart, P., Annette, L., François, S., Latex : de l’allergie professionnelle au syndrome latex-fruit, Rev Med Suisse, 2004/2471 (Vol.-10), p. 421–425. URL: https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2004/revue-medicale-suisse-2471/latex-de-l-allergie-professionnelle-au-syndrome-latex-fruit
(2) : Idem